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Le potiron rond

Ici viendront s’agréger tentatives infructueuses et lambeaux inspirés, jusqu'à ce que peut-être, une vraie idée surgisse du chaos...

La cordillère au tiroir

Il y a quelques mois, j’arrivai dans cette ville inconnue, immense, toute pleine de nouveautés, Santiago. Il y faisait chaud, j’arrivai blanche et refroidie de l’hiver européen, Santiago me souffla son vent chaud et épais au visage. Encore étourdie du voyage, à moitié endormie, l’excitation me saisit en pensant que bientôt, ce lieu étranger me serait familier, bientôt ces petites boutiques auraient une histoire pour moi, j’y aurais acheté un sac, du pain, un livre. Ce square ferait partie de mon circuit de jogging, cette publicité accrochée au mur d’une maison, je pourrais la réciter de mémoire. Cet homme, lui-même, je l’aurais croisé plusieurs fois, toujours à la même heure, dans cette même rue. Les habitudes me prouveraient que la ville m’appartenait, que j’y aurais fait ma vie. Bientôt, Santiago serait mienne, et je serais à Santiago. J’avais hâte.

Me voilà, dans cette même ville, quelques mois plus tard. Il ne me reste plus qu’une semaine avant mon retour en France. Plus qu’une semaine d’Amérique latine avant le retour au monde que je connais bien, à MON monde. Ou à ce qui était mon monde. Mais voilà que ces quelques mois nous séparent. Ces mois passés ici qui m’ont décollée de moi-même, de mon passé. Quatre mois d'études, un mois et demi de voyage. Tant de gens et de paysages. Et cette possibilité, cette énorme possibilité de vivre ailleurs, autrement. On croit que l’on appartient à un lieu. On y a passé des années de sa vie, les premières, celles qui nous ont modelés tels que nous sommes. Et on ne s’imagine pas vivre ailleurs. Enfin si, une année, deux, cinq peut-être, pour avoir une expérience, pour s'être intéressés à une culture, s’ouvrir l’esprit, se confronter à l'étranger, à l’autre. Pour voyager, tout simplement. Mais on reste qui l’on est, bien installés dans son identité, sa nationalité, son assurance d’avoir passé son enfance à Paris, ses vacances en Bretagne. C’est bon, on est nous. Et puis non, on s'aperçoit que ce joli “étranger”, cette autre culture bien intéressante, bien “enrichissante” n’est pas seulement un charmant paysage à accrocher dans sa chambre pour se souvenir une fois rentrés au pays, ce n’est pas seulement le CD de musique andine avec flûte de pan qui nous fait sourire de sa naïveté et nous fait rêver aux cactus de l’autre côté de l'océan, de l’autre côté de notre nouveau travail, de l’autre côté de cette vie bien conforme à nos attentes, à ce “nous” construit à force de souvenirs d'étés bretons. Ce détour exotique bien agréable n’est pas seulement une étape du Routard, il est devenu partie intégrante de nous-mêmes, une partie si importante qu’elle ne cadre pas avec la toute petite place qu’il lui reste, de retour en France. Paris est petit. Paris est étroit. Il n’y rentre que Paris. Que faire de Santiago lorsqu’on l’a dans le cœur et qu’on vit à Paris ? Que faire de toutes ces personnes qui nous habitent maintenant, faut-il donc ranger les Andes toutes entières dans un tiroir a souvenir ? Pauvre cordillère, comment vas-tu t’habituer à sentir le renfermé ?

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