Bouts de vie nomas

Un bain, le bonheur.

Un vague sentiment de culpabilité m’envahit en pensant à toute l’eau utilisée… Bien vite chassé par la contemplation de cette eau fumante. Mmh, bientôt, tout mon corps va pouvoir se délasser dans ce liquide brûlant, tous les muscles encore contractés par le froid régnant dans la salle de bain vont se détendre d’un coup : j’entre hâtivement dans la baignoire. La sensation est à la hauteur de mes attentes. Je me laisse aller avec bonheur à la douce torpeur qui m’envahit, laissant mes bras flotter mollement des deux côtés. Une fois le choc thermique passé, je reviens à une conscience plus nette, je me lave lentement, puis j’observe les curieux mouvements de l’eau mélangée au gel douche : courants marins longeant mes côtes, y déposant par endroit leur écume odorante, quelques bulles remontent à la surface, échappées de mon dos où elles s’étaient logées à mon entrée dans l’eau. Je joue à plonger ma tête dans l’eau en soufflant fort par le nez pour empêcher l’eau d’y entrer. Je chante des gammes jusqu’à trouver la note parfaite de résonance de la salle de bain. Lorsque je l’ai trouvée, une exaltation infantile et naïve m’emplit, comme si j’étais la première à l’avoir découvert : quel progrès pour l’humanité !

Je répugne à sortir de l’eau, fais durer inutilement les derniers instants en jouant avec un gant de toilette rongé par les ans. Je le remplis d’eau, puis le presse fort pour le faire siffler : l’eau forcée à sortir par tous les minis interstices du tissus sue et transpire avec effort, je souris en pensant à toutes les heures passées à cela quand petite, je prenais encore mon bain avec ma soeur. On ne change pas beaucoup, en ce qui concerne les bains.